lundi 17 juillet 2017

Review : S.W.E.A.T. by Raymonde Howard

Raymonde Howard – S.W.E.A.T.
(We Are Unique / Specific)

(French article written by Thomas Walgraffe, English version soon to come!)

Le 4ème album de Raymonde Howard nous est arrivé en pleine face, une bonne gifle bien cinglante et inattendue... Mais c'est parce qu'on a tendu l'autre joue... en fait, plus les albums passent, plus on en redemande. Depuis le 1er album, self-titled, handmade, sorti sous le micro label Angry Ballerina (on y reviendra), en septembre 2006, on est addict à ce blues tendu, minimal, ces boucles obsédantes, ces textes tantôt drôles, tantôt émouvants, mais toujours engagés. Car il est là, le parti-pris de Laetitia Fournier, l'engagement. Total, sans équivoque et sans compromis.
Signée sur deux labels que nous affectionnons particulièrement, à savoir We Are Unique Records (Angil, Le Flegmatic, ichliebelove...) et Specific Recordings (Culture Rejects), Raymonde Howard nous propose avec S.W.E.A.T une épopée-flash, un mini-manifeste du punk DIY, mais surtout, elle confirme ce que beaucoup d'entre nous savaient déjà (pour les autres, vous le saurez dorénavant) : Laetitia Fournier est une figure majeure du rock français. 

Yeah! J'ai la collec'!

Si vous en doutez encore, plongez dans cet album sans attendre! Le message est clair avec Release the Evil qui ouvre l'opus : ça va piquer, mais tu vas en redemander! Sous des airs faussement pop, Raymonde Howard assène le premier titre dans un rythme effréné, zig-zague entre l'enfer et le paradis, et pose les principes de son art, le rock brut et loopé. On pense un peu à The Naked Line qui ouvrait son 2ème album For All The Bruises, Black Eyes and Peas et qui avait aussi ce rôle directeur, et une fois les présentations faites, on est comme à la maison, et Raymonde devient ta BFF.
S'enchaînent alors une dizaine de titres tous aussi riches les uns que les autres. Car si la musique de Laetitia est minimaliste, elle n'en est pas pour autant simpliste. Penekini Kill prête à rire, car Raymonde Howard a bien raison, le penekini est le point de non-retour de la mode et ses excès! Et par la même occasion, Laetitia nous rappelle dans un riff bien agressif qu'elle est la descendante directe de Bikini Kill et réduit les attributs masculins chers au rock'n'roll à un ridicule bout de tissu... pour ne pas dire à néant. Angry Ballerina (clippé par Franck Gimenez) mélange deux champs sémantiques a priori contradictoires, la danse classique et la guerre. Mais ce n'est qu'un a priori, la ballerine est en colère, et prête à en découdre, le poing américain sous son gant de soie... C'est exactement ce que le projet solo de Laetitia est depuis le début, et ce n'est pas un hasard si, pour sortir son premier album sur Cdr, elle a créé le micro-label du même nom... La loop est bouclée!
Avec No Waves, No Bricks, No Walls, No Pass-Arounds, on accélère encore un peu plus, et Raymonde Howard nous embarque pour une virée nocturne en bagnole, et celle-ci s'emballe, et c'est sans détour qu'on arrive à destination, non sans égratignures...
Le jour se lève ensuite, comme une renaissance, avec Crumbs of the Awakening et la voix cristalline de Laetitia. Voilà une autre facette de l'artiste, cet art subtil de l'harmonie, cet arpeggio à peine saturé, et le chant très précis qui se complètent à merveille, nous entrainant dans une sorte de comptine, une ritournelle infinie, comme le cycle du papillon, éphémère mais éternel... Si ici les insectes possèdent des armes, dans Terrortits c'est l'artiste qui EST l'arme, et on pense forcément aux Pussy Riot ou à FEMEN, et le morceau devient alors un emblème du féminisme, mais pas uniquement, c'est plus largement un hymne au combat pour la liberté, quel que soit notre genre, quelles que soient nos croyances. Ce n'est pas par hasard que ce titre se place au centre de l'album...
Ebony Submarine est un titre fort mystérieux, où il est question de brume, de rendez-vous avec des fantômes, de labyrinthe... et le tempo assez lent impose une atmosphère moite, marécageuse et sombre, et le superbe violon de Jean-Christophe Lacroix ajoute une dimension onirique à ce trip au but incertain. Le violoniste intervient sur ce titre ainsi que sur Terrortits et ce sont les seuls arrangements présents sur l'album, ce qui tranche évidemment avec la production beaucoup plus enrichie du précédent album Le Lit.
Harsh Love, récemment mis en image par Jean-Antoine Raveyre, met en parallèle l'idée de voyage et celle de l'expérience de l'amour, cet itinéraire côte-à-côte, les errements à deux, ces moments si diffciles, si douloureux mais qui sont incontournables et indispensables à l'accomplissement du couple. Il s'agit du titre le plus long (2:47!) de l'album, le plus pop en quelque sorte, avec ce petit côté "love song" qui pourrait sembler très conventionnel sans ce "I do love you when it hurts me so hard" à double-tranchant... Raymonde Howard sait très bien s'approprier les codes et les biaiser juste assez pour nous faire douter...
Staring at the Moon fait partie de ces chansons "raymondehowardesques" typiques de son style si particulier. On pense à The Sculptress par exemple. Une petite rengaine aigüe, sautillante, puis un riff plus rock qui intervient sans prendre de pincettes, et nous voilà cueillis!
La fin (déjà?) de l'album est marquée par deux titres très différents l'un de l'autre : Hands Shine With Stains est sombre et sérieux, tandis que Punktuality est léger, comme une blague lancée à la fin d'une conversation grave pour détendre l'atmosphère. Hands Shine With Stains fait mal, est sale et nous hante, avec ce riff de 2 notes très inspiré métal (oui, oui!), et ce texte scandé et chanté, à la limite de l'incantation satanique! Un pur bijou du rock, sans hésitation!
Puis vient la blague, le clown qui sort de la boîte, le texte en français un peu salace, mais juste ce qu'il faut, et la preuve que Laetitia Fournier ne se prend pas au sérieux, en tout cas, qu'elle sait prendre la distance nécessaire à tout artiste qui se respecte! Attention, Punktuality n'en reste pas moins un très bon morceau, disco-punk, entêtant à souhait, et ce n'est d'ailleurs pas la 1ère fois que Laetitia propose ce genre de titre, non? Punktuality est un pied de nez au même titre que l'est Great Minds Are Alike, qu'elle a longtemps eu pour habitude de jouer en fin de concert... Pour mémoire, le sample de base est la voix de Laetitia qui chantonne "fuck you" et le "thank you" final de l'artiste se mélange avec une injonction bien plus dérangeante... ou excitante, selon les goûts.

S.W.E.A.T. est une pure merveille donc, un album multi-facettes, qui témoigne de l'engagement total de Laetitia dans ce projet qui a déjà plus de 10 ans! Car oui, Laetitia Fournier est une bosseuse, qui ne laisse rien au hasard : chaque note compte, chaque mot est pesé, les artworks sont réfléchis (les jambes, le torse, le visage...), et le tout donne une discographie riche et innovante, majeure et inspirante. Reste un mystère... que peut bien signifier cet acronyme, S.W.E.A.T. ?

Ah! Au fait, allez faire un tour sur le bandcamp We Are The 28th, vous y trouverez des versions démos de la plupart des titres de l'album, mais aussi des dizaines de morceaux d'artistes différents comme L'Homme Debout, Le Flegmatic, ThOmas.W, Dimanche Cafard, Robert Zaza, Pasca, Face de Loutre...

Morceaux choisis :
"Chemicals in Need" (First album)


"Stay with me" (For All The Bruises, Black Eyes and Peas)


"Of Flesh and Bonds" (Le Lit)


"Harsh Love" (S.W.E.A.T.)


BONUS! Angil  and The Hiddentracks feat. Raymonde Howard "Lipograms"